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VIII. Les idéologies

  1. Les idéologies qui, à certains moments historiques, se sont imposées et ont montré leur utilité pour orienter l’action et interpréter le monde où évoluaient les individus comme les ensembles humains, furent remplacées par d’autres dont la principale réussite a consisté à apparaître comme la réalité elle-même, comme étant ce qui est le plus concret, le plus immédiat et le plus exempt de toute “idéologie”.
  2. Ainsi les opportunistes d’autrefois, qui se sont caractérisés par la trahison de tout engagement, apparurent à l’époque des crises des idéologies, en se désignant eux-mêmes “pragmatiques” ou “réalistes”, sans avoir la moindre idée de la provenance de tels mots. En tous cas, ils ont exhibé avec une totale impudeur leur faux schématisme, le présentant comme le plus haut niveau de développement de l’intelligence et de la vertu.
  3. Quand le changement social s’est accéléré, les générations successives se sont éloignées entre elles de façon de plus en plus rapide, car il s’est créé une distance entre le paysage humain où elles s’étaient formées et le paysage humain où il leur fallait agir. Ceci les a laissées orphelines de toute théorie et de tout modèle de conduite. Ces générations devaient par conséquent donner des réponses de plus en plus rapides et improvisées, devenant “conjoncturelles” et ponctuelles lorsqu’elles appliquaient l’action. De ce fait, toute idée de processus et toute notion d’historicité ont décliné ; en revanche le regard analytique et fragmentaire a gagné du terrain.
  4. Les cyniques pragmatiques n’étaient autres que les petits-fils honteux de ces laborieux bâtisseurs de “consciences malheureuses” et les fils de ceux qui avaient dénoncé les idéologies comme “camouflages” de la réalité. C’est pourquoi, dans tout pragmatisme, est restée l’empreinte de l’absolutisme familial. Et ainsi, on les a entendu dire : « Il faut s’en tenir à la réalité et non aux théories ». Mais cela leur a attiré d’innombrables difficultés quand survinrent des courants irrationalistes qui ont affirmé à leur tour : « Il faut s’en tenir à notre réalité et non à vos théories ».