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IV. Mémoire et paysage humain

  1. Face à un paysage inconnu, je fais appel à ma mémoire et je remarque ce qui est nouveau par “reconnaissance” de son absence en moi. Cela m’arrive aussi avec un paysage humain dans lequel le langage, les vêtements et les coutumes sociales contrastent fortement avec le paysage dans lequel se sont constitués mes souvenirs. Mais dans les sociétés où le changement est lent, mon paysage précédent tend à s’imposer à ces nouveautés que je perçois comme “insignifiantes”.
  2. Vivant dans des sociétés à modifications rapides, il arrive que je tende à méconnaître la valeur du changement ou à le considérer comme une “déviation” sans comprendre que la perte intérieure que j’éprouve est la perte du paysage social dans lequel s’est configurée ma mémoire.
  3. De ce fait, je comprends qu’une génération, qui accède au pouvoir, tend à projeter sur l’extérieur, les mythes et les théories, les convoitises et les valeurs de ces paysages aujourd’hui inexistants mais qui perdurent et agissent encore depuis le souvenir social dans lequel s’est formé cet ensemble. Et ce paysage est assimilé comme paysage humain par les enfants et est ressenti comme “insignifiant” ou “déviation” par leurs parents. Et les générations ont beau lutter entre elles, la génération qui parvient au pouvoir se transforme aussitôt en retardataire en imposant son paysage de formation à un paysage humain déjà modifié ou qu’elle-même a contribué à modifier. De cette façon, dans la transformation instaurée par une nouvelle génération demeure le retard qu’elle traîne depuis son époque de formation ; et à ce retard se heurte une nouvelle génération en train de se former. Quand j’ai parlé du “pouvoir” auquel accède une génération – j’imagine que cela a été bien compris –, je me suis référé à ses diverses expressions : politiques, sociales, culturelles et ainsi de suite.