/ Humaniser la …
/ IX. …
IX. Contradiction et unité
- La contradiction inverse la vie. C’est l’inversion de ce courant croissant de la vie qui est ressentie comme souffrance. C’est pourquoi la souffrance est le signal qui prévient de la nécessité de changer la direction des forces qui s’opposent.
- Celui qui se trouve arrêté dans sa marche par la frustration répétée n’est arrêté qu’en apparence : en vérité, il recule. À maintes reprises, les échecs passés ferment son futur. Celui qui se sent frustré voit le futur comme la répétition de son passé, en même temps qu’il éprouve la nécessité de s’en dégager.
- Celui qui, en proie au ressentiment, fonce dans le futur, que ne fera-t-il pas, dans une revanche confuse, pour venger son passé !
- Dans la frustration comme dans le ressentiment, on oblige le futur à courber le dos en reculant douloureusement.
- Les sages ont parfois recommandé l’amour comme bouclier protecteur contre les assauts de la souffrance… Mais le mot “amour”, parole trompeuse, signifie-t-il pour toi la revanche du passé, ou bien une aventure originale, limpide et inconnue lancée vers l’avenir ?
- Ainsi, de même que j’ai vu la solennité recouvrir de façon grotesque le ridicule, de même que j’ai vu le sérieux insignifiant endeuiller le gracile talent, j’ai reconnu en beaucoup d’amours une auto-affirmation vindicative.
- Quelle image as-tu des sages ? N’est-il pas vrai que tu les conçois comme des êtres solennels aux gestes posés…, comme des êtres qui ont énormément souffert et qui, en fonction de ce mérite, t’invitent depuis les hauteurs avec de douces phrases dans lesquelles se répète le mot “amour” ?
- Moi, dans tout véritable sage, j’ai vu un enfant s’ébattre dans le monde des idées et des choses, créer de généreuses et brillantes bulles, puis les faire lui-même éclater. Dans les yeux pétillants de tout véritable sage, j’ai vu « les pieds légers de la joie danser vers le futur ». Et j’ai rarement entendu dans sa bouche le mot “amour”… car un véritable sage ne jure jamais en vain.
- Ne crois pas que tu purifieras ton passé souffrant par la vengeance, ni en utilisant “l’amour” comme parole toute puissante ou comme recours pour un nouveau piège.
- Tu aimeras véritablement lorsque tu construiras avec le regard tourné vers le futur. Et si tu te souviens de ce que fut un grand amour, tu devras seulement l’accompagner d’une douce et silencieuse nostalgie, remerciant l’enseignement qui t’est parvenu jusqu’à ce jour.
- Ainsi tu ne briseras pas ta souffrance passée en faussant ou en avilissant le futur. Tu le feras en changeant la direction des forces qui produisent de la contradiction en toi.
- Je crois que tu sauras faire la distinction entre ce qui est difficulté (qu’elle soit la bienvenue, puisque tu peux la dépasser) et ce qui est contradiction (solitaire labyrinthe sans issue).
- Tout acte contradictoire que tu as effectué dans ta vie, quelle qu’en fut la circonstance, a une indubitable saveur de violence intérieure et de trahison envers toi-même. Et peu importe les raisons pour lesquelles tu t’es retrouvé dans cette situation ; ce qui compte, c’est comment tu as organisé ta réalité, ton paysage, dans cet instant précis. Quelque chose s’est brisé et a changé ta direction. Cela t’a prédisposé à une nouvelle fracture. C’est ainsi que tout acte contradictoire t’oriente vers sa répétition, de la même façon que tout acte d’unité cherche aussi à réapparaître ultérieurement.
- Dans les actes quotidiens, des difficultés sont vaincues, de petits objectifs sont atteints, ou de minuscules échecs sont récoltés. Ce sont des actes qui plaisent ou déplaisent mais qui accompagnent le vécu quotidien comme les échafaudages d’une grande construction. Ils ne sont pas la construction mais ils sont nécessaires pour que celle-ci s’effectue. Qu’importe que ces échafaudages soient faits d’un matériel ou d’un autre, pourvu qu’ils soient appropriés à leur objectif.
- Quant à la construction elle-même, là où tu mettras un matériau défectueux, tu multiplieras le défaut ; là où tu mettras un matériau solide, tu projetteras la solidité.
- Les actes contradictoires ou unitifs font l’essentiel de la construction de ta vie. Au moment où tu te trouveras face à eux, tu ne dois pas te tromper car, si tu le fais, tu compromettras ton futur et inverseras le courant de ta vie… Comment sortiras-tu de la souffrance ensuite ?
- Mais il se trouve qu’en ce moment, tes actes contradictoires sont déjà nombreux. Si dès les fondements tout est faussé, que reste-t-il à faire ? Peut-être démonter toute ta vie pour la commencer à nouveau ? Permets-moi de te dire que je ne crois pas que toute ta construction soit fausse. Par conséquent, abandonne toute idée drastique qui pourrait t’apporter des maux plus grands que ceux dont tu souffres aujourd’hui.
- Une vie nouvelle ne se fonde pas sur la destruction des “péchés” antérieurs, mais sur leur reconnaissance ; si bien qu’il est clair alors que, dorénavant, ces erreurs ne conviennent plus.
- Une vie commence quand les actes unitifs commencent à se multiplier, de sorte que leur excellence compense (jusqu’à finalement déséquilibrer favorablement) le rapport de forces précédent.
- Tu dois être très clair sur ceci : tu n’es pas en guerre avec toi-même. Tu commenceras à te traiter comme un ami avec lequel il faut te réconcilier, car c’est la vie même et l’ignorance qui t’éloignèrent de lui.
- Tu auras besoin d’une première décision pour te réconcilier, en comprenant tes contradictions antérieures ; puis d’une nouvelle décision, pour vouloir vaincre tes contradictions ; enfin, de la décision de construire ta vie avec des actes d’unité, en rejetant les matériaux qui ont attiré sur ta tête tant de préjudices.
- Il convient en effet que tu éclaircisses, dans ton passé et dans ta situation actuelle, les actes contradictoires qui te rendent véritablement prisonnier. Pour les reconnaître, tu te baseras sur les souffrances accompagnées de violence intérieure et d’un sentiment de trahison envers toi-même. Ces actes ont des signaux nets.
- Je ne suis pas en train de dire qu’il faille te mortifier en un inventaire exhaustif du passé et du moment actuel. Je te recommande simplement de considérer tout ce qui a changé ton orientation en une direction malheureuse et qui te maintient pieds et poings liés. Ne te trompe pas une fois de plus, en te disant que ce sont des “problèmes dépassés”. Tout ce qui n’a pas été confronté à une nouvelle force qui compense et surpasse son influence, n’est ni dépassé ni compris de façon appropriée.
- Toutes ces suggestions auront de la valeur si tu es disposé à créer un nouveau paysage dans ton monde intérieur. Mais tu ne pourras rien faire pour toi si tu penses seulement à toi. Si tu veux avancer, il te faudra admettre un jour que ta mission est d’humaniser le monde qui t’entoure.
- Si tu veux construire une nouvelle vie, libre de contradictions, qui surpasse de façon croissante la souffrance, tu devras tenir compte de deux faux arguments : le premier se présente comme la nécessité de résoudre les problèmes intimes avant d’entreprendre une quelconque action constructive dans le monde. Le second apparaît comme un total oubli de soi-même, comme un “engagement dans le monde” proclamé.
- Si tu veux grandir, tu aideras ceux qui t’entourent à grandir. Et ce que j’affirme, que tu sois d’accord avec moi ou pas, n’admets pas d’autre issue.