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X. L'action valable

  1. Toute inversion dans le courant croissant de la vie est ressentie comme souffrance. Ainsi, la contradiction n’est pas la seule source d’offenses mentales. Mais, alors que de nombreuses formes de souffrance peuvent être surpassées par la force des circonstances, la contradiction demeure, tissant son obscure toile d’ombres.
  2. Qui n’a pas souffert de la perte de sentiments, d’images, d’objets ? Qui n’a pas eu peur, qui ne s’est pas désespéré, qui n’a pas eu pitié ou ne s’est pas agité en une rébellion irritée contre les hommes, la nature ou les dénouements fatals non souhaités ? Cependant, ce que l’on craignait dans l’obscurité s’est évanoui avec le jour, et une grande part de ce qui a été perdu a été oublié. Mais cette intime trahison envers soi-même demeure dans le passé et empoisonne le futur.
  3. Le plus important de la vie humaine se construit avec des matériaux d’unité ou de contradiction. Et c’est cette mémoire profonde qui continue de projeter l’existence au-delà de toute limite apparente, ou bien qui la désintègre exactement au seuil. Qu’il soit donné à tout être humain, lors de la révision finale de sa vie, de se remémorer son unité intérieure !
  4. Et quelle est la saveur de l’acte d’unité ? Pour la reconnaître, tu t’appuieras sur une profonde paix qui, accompagnée d’une douce joie, te met en accord avec toi-même. Cet acte a pour signal la vérité la plus intègre car s’unissent en lui, en étroite amitié, la pensée, le sentiment et l’action dans le monde. Indubitable action valable qui s’affirmerait mille fois plus si l’on vivait autant d’autres vies !
  5. Tout phénomène qui fait reculer la souffrance chez les autres est ressenti chez celui qui le produit comme acte valable, comme acte d’unité.
  6. L’action est limitée entre deux tendances : là, l’abîme qui grandit dans la contradiction et, au-dessus, l’envol permettant de le surpasser en acte valable.
  7. La corde de la vie acquiert sa modulation singulière, suivant qu’elle se tend ou se détend, jusqu’à atteindre la note à laquelle on aspire. Il doit y avoir une note, un ajustement et un procédé spécial qui font que la vibration résonne et ensuite se multiplie de façon convenable.
  8. La morale des peuples a balbutié avec l’homme au fur et à mesure que celui-ci s’est dressé dans le paysage. Et la morale a signalé le “oui” et le “non” de l’action, revendiquant le “bon” et persécutant le “mauvais”. Ce qui est bon continuera-t-il à l’être dans ce paysage si varié ? Si un immuable Dieu l’affirme ainsi, soit ! Mais si Dieu a disparu pour beaucoup, à qui revient-il de juger maintenant ? Car la loi change avec l’opinion des temps.
  9. Voici le point : ces principes d’action valable, qui permettent à tout être humain de vivre en unité intérieure, seront-ils des images fixes auxquelles on devra obéir, ou bien correspondront-ils à ce que l’on expérimente lorsqu’on les rejette ou lorsqu’on les applique ?
  10. Nous ne discuterons pas ici de la nature des principes d’action valable. En tout cas, nous tiendrons compte de la nécessité de leur existence.